Collecte de fonds pour la Fondation Théodora

Une Idée,



Je m'appelle Christian et je vis en Suisse avec ma petite famille. 
Je me suis passionné pour la course à pied il y a quelques années déjà. J'ai commencé la course à pied en 2010 alors que j'aurais pu aller terminer lamentablement mes jours au bar mais j'ai préféré accompagner des copains dans leur sorties quotidienne. J'avoue que les débuts ont été pénibles et longs, mais gentiment, j'ai commencé à trouver du plaisir et de la satisfaction dans mes sorties de course à pied.

Bien que ma poursuite du bonheur dans mes longues courses s'est faite pour des raisons personnelles, je souhaite donner du sens à tout cela et faire quelque chose d'utile en meme temps. Un peu comme d'autres font des concerts ou des gateaux pour différentes causes charitable, j'ai pensé que je pouvais faire pareil en courant pendant des heures comme un hamster.

Alors oui, il y a bien un challenge, c'est l'Angeles Crest 100 (AC100). Je parlerais un peu plus de cette course et de ma chance d'avoir été tiré au sort pour y participer dans un autre billet ; bien que le terme de chance dans ce cas est tout relatif.





J'ai choisi d'offrir mon support à la Fondation Théodora, leur travail et domaine d'action est quelque chose qui est important pour moi. Je ne suis pas concerné personnellement mais à quelques reprise j'ai pu constater leur travail en milieu hospitalier et me rendre compte à quel point soutenir l'enfant malade et sa famille est important.




Si vous souhaitez m'accompagner et supporter mon initiative, cliquez sur le gros bouton rouge pour faire un don.

Merci pour les enfants!

31heures plus tard



Le plus difficile quand on s'attaque à une course de 100 miles "en terre inconnue" c'est de trouver les mots justes pour en parler. J'aimerais faire simple, court et finalement arriver à ne faire ressortir que l'essentiel, mais plus j'y pense et plus les petits détails ressortent et passer à coté c'est un peu comme au moment du dessert ne pas avoir le petit parapluie tropical sur sa coupe de glace...

Il y a un peu plus de 3 semaines, j'étais en train de finaliser mes sacs de délestage, les fameux dropbag. Seul, dans la chambre d'un hôtel de Venice Beach pendant que Sarah et les enfants profitaient de la plage. Déjà, à la base, préparer un sac de délestage ce n'est pas simple, il faut prévoir à quelle heure on va le récupérer, ce dont on aura éventuellement besoin, ce qui sera indispensable, les affaires de rechange etc... Mais avoir la possibilité d'en préparer un dizaine, c'est un peu comme se retrouver devant un menu d'un restaurant chinois, on n'est jamais sûr d'avoir fait le bon choix et du coup on change sans arrêt.

Les jours qui ont précédé ce croustillant exercice n'ont pas été simple non plus. Pour commencer, mon pacer (j'ai fait le choix d'un pacer, plus par curiosité que par confort je dois dire. Je n'ai jamais fait une course accompagné, ou "coaché" pour arriver au bout) qui devait m'accompagner sur les dernier 40 km me laisse un message pour me dire qu'il est blessé et qu'il ne pourra donc pas venir. J'aurai pu en rester là mais j'avais quand même mentalement évacué la gestion du "last 25 miles" à mon pacer. Du coup je part en recherche d'un autre pacer, que je trouve en un temps record d'à peine quelques heures!!

Deux jours avant le départ, des "flash flood" sont annoncé sur Wrightwood, la ville du départ. Un coureur déjà présent sur place nous envoie une vidéo, on voit un torrent de boue et de pierre littéralement traverser la ville! Class, après 3 semaines à arpenter des sentiers poussiéreux, je vais me retrouver les pieds dans la boue! Parce que oui, il faut aussi dire que cela fait 3 semaines que nous sommes aux USA, visite de parcs nationaux dans le Nevada, l'Utah, l'Arizona et descente de la superbe US-1 au programme. Et donc qui dit road trip dit pas de cuisine saine et pas forcement le confort et le repos nécéssaire pour les derniers préparatifs d'une telle course. Mais, bref, les restos sont sympa, les repas présentent un score weight watcher à faire pâlir tout bon nutritionniste européen, les hôtels presque tous bien insonorisés, en même temps quand on se lève à 7h tout les jours, c'est plutôt aux résident des autres chambres qu'il faut poser la question. Et surtout sur 3 semaines, je n'ai couru que 4 fois, on appelle ça de l'acclimation express. 

Nous arrivons donc à Wrightwood la veille du départ pour déposer les dropbags, prendre le dossard et assister à la réunion de pré-course. Alors en effet il y a de la terre et des cailloux partout mais c'est déjà très sec, ah oui c'est qu'il fait 30° à l'ombre... Pour les dropbags, j'ai fait le choix d'en prendre 7, 4 léger et 3 un peu plus complet avec chaussures et t-shirt de rechange. Les dropbags vont partir de suite vers les stations de ravitaillement, je refais la liste mentalement, tout est bon. Enfin, mes sacs sont bons, la liste que nous avons reçu des stations qui doivent avoir des dropbags, un peu moins. J'ai oublié de préciser qu'il y a eu quelques événements (route effondré, faune locale à protéger,...) qui ont fait que le parcours à changé dans les quelques mois avant la course, et donc le road book initial n'était plus super juste, ni les modifications du reste. Confiance, on respire et on s'adapte.

A coté de ça, je suis très surpris par l'ambiance très relax de l'avant course. Ca aide pas mal à faire redescendre la pression qui était bien monté les jours précédent. Pour un européen, arriver sur un ultra c'est traverser un village avec plein d'exposants, des marques de sport, des courses qui font leur promotion, etc... Ben là rien. Pas de stand Salomon, pas de représentant compressport qui cherche à nous refourguer son essuie-transpi hideux, même pas un stand de courses locales, ni meme de flyers. Au lieu de ça on a juste une bande de potes content de se retrouver pour la 30ème édition d'une course locale qui est, je l'apprendrai plus tard, considéré comme fondatrice de l'ultra endurance aux US (même si je pense qu'ils ne sont pas les seul à vouloir s'octroyer ce titre).
Je récupère le dossard (sans puce) et la réunion commence, tout ce qu'il y a de classique, avec quelques messages de prévention du garde faune. Je le cite; "vous allez traverser des zones désertiques, qui sont privilégiés par les crotales (rattle snake), donc par mesure de sécurité considérez tout les bout de bois comme des serpents (...) les zones qui ont été brulés sont repeuplé par des buissons urticants, les puddle dog bush, donc évitez aussi de toucher les buissons"... Ok, donc je dois retenir: "tu cours mais tu touches à rien". Pour le reste, rendez vous donc le lendemain pour le départ à 5h00.
Le reste de la soirée se passe bien, rencontre avec Ken le directeur et Jacob le co directeur (un Suisse) de course à la pasta party (au passage je suis curieux de savoir si quelqu'un à déjà croisé Ma'me Poletti à la pasta party de l'UTMB), et reçois quelques conseils avisés de leur part.


Je croise aussi Jussi Hamalainen, un finlandais de 71 ans qui a pris 29 fois le départ de l'AC100. Un Marc Olmo inconnu qui meriterait aussi un #UltraTrailSuperStar.
Après ça, direction le chalet de location, je prepare mes affaires, et je me dis que ce serait pas mal d'avoir une lampe pour le départ, 5 h du mat il va faire nuit c'est sûr. Parfait, j'ai juste à les prendre dans le dropbag... que j'ai donc déposé quelques heures plus tôt... parfait! Je négocie la lampe rose de ma fille contre une Cliff bar, deal !

Les nuits d'avant course sont souvent des nuits sans sommeil. Le réveil sonne à 3h. Petit déj copieux et direction la ligne de départ, puis retour pour prendre les lunettes de soleil, puis retour à nouveau pour le casque audio oublié... je suis dans les choux complet. Pendant la prochaine heure je psychote à fond, je défait mon sac, je le refait, je le re-défait, je le re re ... au bout de 20 minutes, je parviens à me convaincre que je suis prêt, enfin j'espère.
Le speech du directeur commence, un peu de bla bla et puis un petit mot pour un Hal Winton co directeur pendant 29 ans et récemment décédé. Et là, prière, pas juste la minute de silence très laïque, mais le vrai prêche religieux... Pas de doutes, nous sommes bien aux USA, et la magie opère, j'en ai la chair de poule et je lâche comme tout mes copains de course le "Amen" de rigueur. Puis direction la ligne départ, enfin disons plutôt qu'on se dirige tous sur la place devant la salle communale et à 5h, sans la musique des Vangélis ; "5,4,3,2, 1 ... Guys, Have Fun!"



Part1- Wrightwood à Islip Saddle - La mise en bouche

Donc on part à 180, un petit peloton, tout petit... On traverse la ville avant d'attaquer la première montée. Quelques personnes sont déjà dehors et nous encouragent, rapidement nous rejoignons le Acorn Trail qui doit nous ramener sur le célèbre Pacific Coast Trail, PCT pour les intimes. Le soleil se lève et sans surprise au bout de 7 km, je me retrouve seul au monde! Je sens que j'ai eu raison de prendre de la musique.


Le premier ravito arrive (9.3 miles) et malgré les problèmes de route, il y a pas mal de supporters. Je prend une pastèque un verre d'eau, refait les niveau de mes gourdes qui n'avaient pas bien descendus et repart assez rapidement. La plupart des coureurs ne s'arrêtent même pas. Je vise les 26h et d'après mes estimation j'ai 30 min d'avance, et je me dis que peut être je pourrai même faire mieux (l'appanage du novice est bien la naïveté). Je repart, un supporter me lance "Nice weather for a stroll"... yes indeed ;)

Je me retrouve seul encore une fois. 1km plus loin, je rattrape un gars qui est accroupi près d'un buisson, je ralenti et je lui demande "Are you alright?", "Yes, I m pooing"... erk, je vais passer sur les détails scato, mais, le gars n'a pas trouvé mieux que de poser son étron sur le sentier... Bref, je trace, on est sur un chemin de crête magnifique, avec des passages en sous bois. C'est un forêt de pins, les Limber Pines, parfois datant de plus de 2000ans, et même s'ils ne sont pas aussi grand que les cèdres, ils n'en restent pas moins majestueux et impressionnant. 
On rejoint rapidement Vincent Gap, 13.5 miles (férmé aux crew), premier vrai ravitaillement. Je m'annonce, enfin mon n° de dossard, et les bénévoles me sautent littéralement dessus! "Do you need water, salt tab, gels, fruits? Do you have a dropbag?" Ils vont me chercher mon dropbag, me remplissent mes gourdes. On part pour une longue étape (20km et 1000m d+) avec le soleil qui va commencer à cogner. je récupère mes sun sleeves (manchons pour me protéger du soleil) que je ne mettrai pas, ma saharienne que je ne vais pas utiliser tout de suite, et une barre de gel block avant de partir pour la montée. Je suis les conseils de Ken et Jacob à la lettre, les directeurs de course. En gros; "ne pas s'emballer même si on a la patate, ca monte haut". Je me cale sur une vitesse de randonnée que je ne quitterais pas jusqu'au sommet. Beaucoup de coureurs me dépassent ; bien sûr c'est relatif au nombre total de 180, donc beaucoup c'est 6. J'en dépasse 2 ou 3 qui ne semblent pas très bien, malgré les sous bois le thermomètre commence à grimper...


Mt. Baden-Powell, 2900m



Quasi au sommet, mais toujours dans la forêt, je commence à sentir un petit coup de mou, je fais le check, j'ai bu et mangé régulièrement, je pense avoir bien gérer ma vitesse. Et puis je regarde ma montre, Alt: 2850 m... mais c'est quoi cette forêt?! Dans les alpes à cette altitude, en général c'est plutôt cailloux et névés.







J'attaque la descente avec une autre coureuse. Mais j'ai du mal à trouver un rythme de course confortable et puis je m'arrête souvent pour prendre des photos. On traverse des zones où le sentier disparait sous des buissons plus ou moins piquant. Mais c'est magnifique, je me régale.


J'arrive à Islip Saddle (26 miles) après 6h de course, et, je me dis toujours que je suis super dans les temps pour 26h... Je retrouve Sarah et les enfants, qui m'amènent à manger, à boire, je m'assoie, prend mon temps. Je me sens bien mais je sent que j'ai un peu tapé dans les stocks dans la dernière descente. 


Part2 - Islip Saddle à Chilao. Je suis pas venu pour souffrir ok! 

J'enfile mes manchons, les sous bois c'est fini, il est 11h et je cours sur mon ombre...ca va commencer à cogner sérieusement.
En fait, niveau chaleur je suis en dessous de la vérité. Le parcours a été changé au cours du temps comme je l'ai dit, et au lieu de sentier, le tracé emprunte aujourd'hui une route sur les prochaines portions. En gros les prochains 40km sont ma traversée du désert au sens propre et figuré. Il fait chaud, très chaud (34° de moyenne), et quand je ne sue pas, je transpire. Je me fais penser à un bateau pompier en parade...

Les portions sur route sont relativement roulantes, disons qu'en temps normal j'aurais couru ces 40 km... sauf que dans la situation présente, dès que j'essaye de jogger (courir c'est déjà trop rapide), je sens réellement ma temperature corporelle monter en flèche. 
Je me souviens dans les race report que j'ai pu lire que la chaleur est l'ennemi numéro un sur cette course au tracé relativement descendant, et roulant... Tom, le suisse qui a fait la course en 2016, m'a souvent dit de ne jamais se presser aux aid stations, repartir seulement quand on se sent "frais" (comprendre froid). Et c'est ce que j'ai fait pendant 40 km...

Je retrouve Sarah et les enfants à chaque station, et les bénévoles. Je les bénis eux et leurs éponges glacés, leurs glaçons, leurs coca, leurs chips, leurs chaises de camping qui ont le confort de gros chesterfield, leur tentes ouvertes fraiches et ombragées...
Sur les 5 aid station de ce deuxième marathon, je m'arrête 100 minutes, 20 minutes en moyenne sur chaque. C'est long trop long, mais si veux continuer à m'alimenter je dois refroidir. Et ca fonctionne plutôt bien puisque ma progression est en dent de scie, je cours, je chauffe, je refroidi au ravito, et je repars. Je double sans arrêt les mêmes coureurs, mais je suis trop concentré sur la course pour y mettre quelconque jugement. 
Le parcours n'a rien de technique, c'est hyper roulant, pas désagréable, et ormis les 2 tunnels, on est tout le temps à découvert.

La dernière descente avant Chilao arrive, une descente de VTT, je n'ai pas décroché le CR mais je me suis bien marré. Sarah et les enfants me trouvent relativement frais (comprendre que je n'ai pas une tête de déterré) quand j'arrive enfin à Chilao après 11h30 de course.






Je règle vite fait un problème d'ampoule qui pourrait commencer à devenir gênant, change de chaussures, empile les tortillas dans l'estomac (il a fort longtemps que je n'arrive plus à rien manger d'autre en fait). Le fiston me fais un massage des mollets (un vrai bonheur). Je passe au toilettes et hop sous les encouragements du clan piflouts, je repars plein de force et rempli de confiance pour la deuxième moitié même si mon plan initial à un peu changé et que maintenant 29h ou même "juste" finir n'est pas si mal en fin de compte... et puis la journée touche à sa fin, un peu de fraicheur va faire du bien (je vous ai déjà dit que j'étais naïf, non?).

Part3 - Chilao à Chantry Flats. Alone in the dark!

En quittant Sarah, je lui dis que je serais à Shortcut Saddle dans 1h30, notre dernier point de rencontre avant l'arrivée. J'arrive à Shortcut Saddle 1h34 après, très impressionné d'avoir pu estimer correctement mon temps. Et là c'est le drame, pas de Sarah. Pas d'enfants, personne... Bon, elle a dû s'arrêter quelque part je vais attendre un peu hein... une tortilla, un coke et un burp plus tard (donc une bonne 20aine de minutes, et toujours pas de Sarah. Une bénévole vient me demander si tout va bien, j lui explique la situation et me risque à lui demander si elle n'aurait pas entendu si une voiture a eu un accident. Elle me renvoie vers le PC course qui m'explique que non, au bout d'un moment de reflexion commune, ils me disent qu'elle peut très bien être passée là sans s'arrêter et s'être retrouver au prochain point. Hum... j'y crois parce que l'option de la sortie de route dans le ravin ne me plait pas du tout... et je commence sérieusement a considerer mon abandon pour partir à la recherche des miens. Et en allant chercher à communiquer avec le prochain point course, on passe devant le parking, et que vois-je???! Notre voiture de location, kris d'ostie de tabernacle de misère!!! Je fais demi tour et retourne sur le sentier, et qui vois-je sur une table en haut du sentier en train de tranquillement profiter du spectacle? Ils étaient là depuis le début occupé a faire des sandwichs, ils ont bien vu le groupe de coureurs mais ne m'ont pas reconnus!
Et donc, je repars après 45 minutes, 25 de plus que ce que j'avais compté, un peu stressé et sans avoir pu refaire les niveaux comme j'aurais dû, mais ca je vais vite m'en apercevoir.
Je pars enfin en direction de RedBox. On nous a prévenu que les pluies d'il y a deux jour ont un peu raviné le sentier. En fait le sentier est quasi inexistant, à la place, un lit de rivière profond de 60 cm... pas de quoi en faire un fromage. même si c'est comme ca sur un bon bout, c'est quasi le passage le plus technique de la course. Je croise au passage la seule forme de vie de toute la course, une jolie tarentule, que je la laisse passer. Mais elle préfère rester avec moi... j'essaye de lui expliquer que ca va aller, je vais arriver à me débrouiller seul...


Je continue ma descente dans le canyon et on passe d'une montagne désertique à une oasis de verdure luxuriante. Du coup je me dis que si ma copine tarentule se pointe, je ne la verrai pas c'est dommage.
C'est une nouvelle portion du parcours initial, un aller retour vers un camp ground, pour compenser un re-routage de dernière minute (enfin plutôt mois, mais c'est pareil). La descente se passe bien, je prend du plaisir, je met un peu de patate parce qu'une fois en bas, le ravito n'est plus très loin. Mais en fait, je crois que j'ai oublié de lire correctement les cartes!! En bas du canyon, la remontée vers RedBox est douce, mais alors qu'on voit le ravitaillement, on part à l'opposé! La nuit est maintenant tombée, j'allume ma frontale et continue dans mon chemin, qui se transforme en chemin de croix, dans 3, 2, 1, maintenant! Je n'ai fait que 6km sur les 14 km qui me séparent de RedBox et je me sens vide d'énergie, finito, arrêt des moteurs...J'essaye d'ingurgiter une barre, un gel, qui me permettront d'arriver pas trop mal, mais ces 8 km sont interminables, et finalement je vais mettre un peu plus de deux heures pour les boucler... C'est pas possible, je me dis que j'ai du me perdre en fait....J'arrive finalement a RedBox, non sans pousser un bon juron, c'est l'avantage d'être aux US, un bon juron français passera toujours pour une expression charmante.

Et c'est le moment du bilan, je suis à la rue complet, déshydraté, épuisé, affamé et un poil désabusé. Et pour rendre la situation plus motivante RedBox fait office de cour des miracles, je vois les bénévoles s'activer pour réchauffer un coureur, ou porter de la soupe à un autre, j'entend des coureurs abandonner, et aucun bénévole ne semble m'avoir vu. Ca tombe bien, moi j'ai vu le lit de camp et je me dit que le mieux à faire dans ces cas c'est de dormir, la nuit porte conseil il parait. Je pars pour 10 minutes de repos/sommeil, que je prolonge par 7 minutes de somnolence... Je me lève, je tremble de tout mon corps, et je me sent toujours aussi vide... Je regarde mes options, pas de couverture réseau, donc l'option 50/50 ou j'appelle un ami ca va pas le faire, mais j'envoie quand même un message a un pote, histoire de me décharger un peu. Et puis c'est maintenant que le travail mental intervient. C'est pas comme si je ne savais pas que ca allait arriver, pas comme si je n'avais pas passer 6 mois à m'y preparer. Je sais que ça va durer un moment, mais je me force à manger, boire, reprendre un semblant de forme. Et au bout d'une grosse demi heure, je remet mon sac, allume ma lampe, me dirige vers le checkpoint et annonce "203, leaving". Un pas après l'autre...

J'arrive finalement à Newcomb Saddle, content de voir du monde, enfin! Depuis un moment à part des ombres et tout plein de bruits bizarre et pas rassurants,à l'horizon. Et surtout, pour la première fois, on voit la ville!! 

Et ça va franchement mieux, j'enfourne 4/5 tortillas, un peu de bouillon et je repars rapidement retrouver mon pacer à Chantry Flat avec 4 heures de retard sur l'horaire initial. Bon à ce moment là je me dis que l'important c'est juste d'y être.
Dans la descente, mon téléphone bip pendant 10 bonnes secondes, le retour du réseau et de la civilisation :). Je ralenti et m'offre un petit moment pour lire ces messages d'encouragement. Un réel bonheur de lire tout ces messages. Ca fait du bien, tellement que je remet une couche dans la descente, mais bon pas trop non plus quand même c'est qu'il reste encore un bon marathon après Chantry Flat... 

Part4 - Chantry Flats à Altadena. Capri c'est fini.

Encore une fois les bénévoles sont aux petits soin, et surtout ma pacer, Leslie, qui me réconforte et m'encourage. C'est pas facile, elle le sait et moi je le sens. On repart avec un rythme costaud pour 1000 md+ suivi d'une descente et remontée et normalement après c'est plat.
Dans la montée le soleil se lève, et la fatigue commence à se faire sentir, en fait je me fais penser Ray Garraty dans Marche ou crève, mes paupières tombent toutes seules et si Leslie n'était pas avec moi je me serai écroulé sur le coté pour dormir 3 jours... J'arrive à négocier avec moi-même de tenir jusqu'en haut de la montée et de m'écroulé ensuite n'importe où. Au bout de ce qui me semble une éternité, on atteint la fin de la montée et le fameux "Dead man's bench", je demande à Leslie de me réveiller dans 10 minutes, je m'allonge, d'autres coureurs s'arrêtent, je ferme les yeux et sombre dans un non-sommeil immédiatement.

 
Une autre éternité plus tard, Leslie me reveille. Où suis-je? Ah! oui c'est vrai...
Je met un peu de temps à relancer la machine pour retrouver un bon tempo de course, je me sent bien bien mieux.
Les kilomètres défilent sans trop de problèmes et plutôt rapidement même, on rattrape et dépasse pas mal de coureurs. De ma 100ème place à Red Box, je pense être dans les 80 à ce moment de la course. Je comprend là l'avantage du pacer, même si il est souvent difficile de trouver un rythme cohérent, surtout en descente, il n'en est pas moins que Leslie m'aide énormément en montée et ça fait du bien de parler à quelqu'un.
Je passe les 24 heures de courses, et rentre vite dans mon inconnu; les distances et temps de course où je ne suis pas encore allé m'aventurer. Et enfin, nous arrivons sur le dernier sentier en balcon qui surplombe Los Angeles, Pasadena et Altadena, et d'après Leslie on aperçoit m'eme l'arrivée...  
Mon pied est douloureux depuis quelques heures, et me force à adopter une autre foulée, qui sans surprise se répercute sur le genou. Mais il ne reste qu'un gros semi marathon (20km), avec des montées que je n'avais pas prévu, mais doubler les autres concurrents me donne de l'énergie. Et surtout j'ai envie d'arriver, d'en finir. J'arrive même à accélérer au point de lâcher complètement Leslie, qui me rattrape en arrivant en ville... enfin! Plus qu'un mile. Je sens toute l'émotion monter, je réalise que j'y suis, ca y est c'est fait. A moins d'un cataclysme majeur sur ce dernier kilomètre, je vais être 100 miler...

Je commence à entendre les supporters amassés dans le Loma Alta Park. Un dernier virage, je vois Sarah et Timeo, je lui demande de finir avec moi. 


Je passe la ligne, Jacob le co directeur de course est là, il me prend dans ses bras et me félicite d'avoir fini. Difficile de décrire ce qui se passe, Sarah et les enfants me prenne dans leur bras. J'ai rêvé de cette scène il y a un an déjà et j'ai du mal à croire que c'est réel. Je remercie et félicite Leslie de m'avoir soutenu et accompagné.

On attend la cérémonie, je met de la glace sur mon genou qui se révèle très douloureux. Mes pieds peuvent enfin respirer. Et en lieu et place du classique plat de pâtes d'après course j'ai droit à un succulent cheese burger! Pas de bière, ca va attendre encore un peu.

Je reçois ma boucle, et mon prix. La cérémonie est très formelle mais chaleureuse, presque familiale, tout le monde se congratule. 




Les autres coureurs viennent parler avec nous, ils sont content et surpris de voir que des coureurs étrangers viennent chez eux. Je leur dit que c'était mon premier 100 miles et ils sont tous impressionné que je commence par celui ci. C'est clair que sur le papier, il n'a rien de comparable avec un 100 mile alpin, mais la chaleur, le rythme à tenir en font une course pas très simple à finir. 




Je m'endors le soir d'épuisement après un autre burger et quelques bonnes bières. Et c'est sans prévenir, le lendemain au petit déjeuner, que toute l'émotion est sortie. Je suis tellement reconnaissant d'avoir pu faire cette course, d'avoir pu la finir, d'être entourée par une famille aimante et bienveillante, d'amis qui mon encouragés, soutenu et supportés ces 6 derniers mois. J'ai aussi souvent pensé à la Fondation Théodora aussi pendant ces 31h et leur travail auprès des enfants, ca m'a poussé dans les moments difficiles. 

Je n'ai pas le sentiment d'avoir accompli quelque chose d'incroyable et même en soi, la performance est médiocre (le premier met une vingtaine d'heures), pourtant je resent énormément de fierté d'y être arrivé et d'avoir pu vivre ce que j'ai vécu...